Tout
d'abord, le premier contact. Né aux prémices des années 80, j'ai débuté
l'aventure sur les fameux Game & Watch like, petits appareils électroniques
monochromes sur lesquels les sprites avaient des animations saccadées et
limitées. Marchant à l'aide de piles rondes, ces « consoles »
portables monojeux ont été les premières sur lesquelles j'ai posé les mains, la
gauche sur la croix directionnelle, la droite sur les boutons, bien sûr. Le
temps de la découverte, de l'initiation.

Et
puis, Noël 1988 ou 1989 (mes souvenirs se font vagues), le grand pas en avant.
Deux consoles de salon ! La Matra 3600 (sorte de clone de l'Atari 2600) et
la Sega Master System. Du bon côté d'avoir des parents divorcés. Un gros
contraste entre les deux machines certes, mais pouvoir jouer à la même époque à
un Space Invaders et à un Alex Kidd in the Miracle World, ça fait des trucs à
raconter aux plus jeunes et déjà un petit pan de l'histoire vidéoludique qu'on
peut mesurer directement.

S'il
y en a un à qui cette passion a coûté cher, c'est bien mon grand-père. Combien
de fois ai-je pu le supplier de me filer des pièces de 10 francs pour jouer sur
des bornes d'arcade à Street Fighter II, Fatal Fury ou bien Shinobi... Et ça
partait par paquets de dix... Et la fois où sans que je ne m'y attende, il sort
de son portefeuille un billet de 200 francs pour m'acheter mon premier jeu de
football : World Soccer sur Master System. Ce fut une surprise dont
l'émotion est restée intacte.

Alors
je ne vous dis pas quel fut mon plaisir quand je suis arrivé à le convaincre de
combattre les voyous avec moi dans Double Dragon. Il n'avait jamais tenu une
manette de sa vie (il n'a d'ailleurs pas dû le refaire depuis), et on était
allé jusqu'au boss de fin, ce foutu mec à la mitraillette que j'arrivais à
battre seulement de temps à autre. Plus qu'une première fois, un moment unique.

Et
la première fois où on se dit : « Merde,
qu'est-ce qu'il se passe ? Je viens de casser le jeu ou quoi ? »
,
à cause de ces satanées cartouches NES dans lesquelles on était obligé de
souffler pour les faire marcher. Ou encore le jeu Master System que l'on enlève
sans avoir éteint la machine. Le moment de silence, de solitude et de doute qui
s'ensuit est long, trop long...

Passée
l'étape de pur apprentissage de la technique, vient le moment de jouer à des
softs demandant de se servir de sa tête. Mon premier dans le genre fut Zillion
sur Master System. En fait, il s'agissait seulement de retenir des symboles
dans le but de débloquer les portes des salles constituant l'immense labyrinthe
du jeu. Si je devais donner le premier jeu ayant mis mes neurones gravement à
contribution, ce serait Fade to Black sur PC. Et oui, j'ai commencé tard,
complexé jusque-là par l'idée d'être incapable de résoudre les énigmes
proposées par les jeux d'aventure. Un déclic.

Ensuite,
le premier jeu qui scotche tellement qu'il vous fait repousser vos révisions à
toujours plus tard. Ce fut le cas de The Legend of Zelda : Ocarina of Time
sur Nintendo 64. Une partie lancée pendant mes révisions du bac blanc, et
c'était un travail encore et toujours remis à plus tard. « Allez, encore un petit quart d'heure et après, j'arrête... »Du coup, le temps que je passais plongé dans mes cahiers était plus court
mais hautement productif. Paradoxalement, je n'ai jamais eu de meilleures notes
qu'en jouant en même temps à des jeux addictifs et à la longue durée de vie. Du
coup, à chaque période de révisions son RPG ou son jeu d'aventures. Non
mais !

Une
des expériences les plus difficiles fut certainement la découverte du jeu
d'infiltration. Habitué jusqu'ici à l'action directe, j'avais dans un premier
temps rapidement lâché Metal Gear Solid sur PS One. Frustré par la patience que
le jeu requiert, je me souviens m'être assez rapidement énervé. Et pourtant, en
lui donnant un peu de temps, j'ai pu ensuite goûter à l'un des meilleurs jeux
d'action de l'histoire qui m'a marqué à jamais, par son histoire, son ambiance,
ses rebondissements, ses personnages... Il m'a même redonné envie de lire en me penchant
sur des livres de Tom Clancy dans lesquels j'espérais retrouver ce genre de
scénario. Mes goûts littéraires ont depuis bien évolué, mais ce fut un nouveau
départ.

Quand
un jeu vidéo de football vous donne plus l'impression de jouer au foot qu'à un
jeu vidéo, c'est qu'il y a un tournant qui vient d'être pris. Quelle ne fut pas
ma joie en découvrant ISS Pro Evolution sur PS One. Pour la première fois, je
pensais, prenais mes décisions comme si j'étais sur le terrain. L'intuition
footballistique prenait le pas sur le pur skill manette en main. Et ça, c'était
la marque du réalisme. Le début d'une longue histoire d'amour avec la série des
Winning Eleven, un peu chahutée ces dernières années malheureusement... ISS Pro
Evolution fut également le premier jeu dans lequel mon père s'est investi
réellement, se créant alors une équipe de l'OM du feu de Dieu par le biais de
la Ligue Masters. Lui qui se penchait dans les virages quand il jouait à Need
for Speed 3, le voilà qu'il squattait ma console !

On
peut être également déçu par un jeu vidéo. Ca arrive. De se sentir plus ou
moins trahi par le fait d'avoir mis de l'argent dans un titre duquel on
attendait beaucoup et qui se révèle bien en deçà de nos espérances.
Heureusement, ça m'est arrivé assez tard, avec Splinter Cell : Pandora
Tomorrow qui ne restera pour moi qu'un vulgaire add-on du premier qui m'avait
tant plu. Une expérience dure à vivre quand on pense qu'un jeu doit nous
divertir ; on ne s'attend pas à être déçu, du coup, plus dure est la
chute. Mais au moins, on fait plus attention par la suite.

Il
est des jeux qui vont au-delà de l'expérience purement liée au gameplay et qui
continuent à vivre en nous, des années après. Shadow of the Colossus en fait
indéniablement partie. Et je ne le remercierai jamais assez de m'avoir le
premier permis de vivre l'expérience qui consiste à se poser le bien-fondé de
mes actes en tant que joueur. Jusque-là, battre mon adversaire me paraissait
être l'accomplissement de quelque chose de juste. Dans Shadow of the Colossus,
quand le premier géant tombe face contre terre, accompagné dans sa souffrance
par une musique poignante, on commence à regarder autour de soi et à se
demander si on a bien fait et si on ne vient pas de commettre quelque chose
d'irréparable.

Un
sentiment grisant est celui qui nous envahit quand on fait un choix de jeu très
personnel, dicté par le cœur, l'intuition et la recherche plutôt que par les
lobbys et les gros effets d'annonces. Avoir joué à Dark Chronicle reste un
moment de satisfaction rare qui m'a ouvert les yeux sur les studios dits
« plus petits » et qui me font aimer les productions atypiques et
indépendantes. Un signe de maturité dans l'évolution du médium et de la
perception que j'en ai, sans aucun doute.

Enfin,
pour terminer, je citerais tous les jeux qui m'ont fait découvrir une série ou
un genre : mon premier Dragon Quest, le huitième de la série, avec son alliage
entre old school, chara-design et enchantement permanent grâce au monde à
explorer et au bestiaire ; idem pour la saga Final Fantasy que j'ai
découvert avec le huitième opus ; le premier excellent jeu de combat,
Street Fighter II sur Super NES ; la première bonne adaptation d'une
licence qu'on adore, en l'occurrence Dragon Ball Z 2 sur Super NES et son Broly
survolté ; BioShock, le premier jeu où on se surprend à reprendre son
souffle lors des phases de sauvegarde...

En somme,
ces premiers contacts ont été autant d'occasions de découvrir, d'être surpris,
ému, bouleversé. Et surtout de m'ouvrir à des cultures et à des thématiques
différentes et d'étoffer mon expérience. Et puis, comme le dit si
bien Julien Chièze dans son test du remake de Chrono Trigger sur DS,
« ce que le jeu vidéo a de plus beau
à nous offrir, [ce sont] d'immortels souvenirs »
.